Vais-je descendre dans la rue ? Comment exprimer ma rage face à ces systèmes qui me révoltent, moi aussi ? Comment, quoi déconstruire, détruire pour arriver à nos fins ? A quoi bon ? Est-ce que je supporterai ?
Tant de questions qui m’amènent à réfléchir, prendre position, et dans ce sens-là, j’apprécie la mobilisation.
La révolte, elle est en moi, sans aucun doute. C’est une révolte nourrie de fatigue, d’incompréhension. C’est une révolte que je porte dans mon corps, nourrie par les agressions – qu’elles soient micro-, physiques ou psychiques. J’ai souffert, je souffre. Je ne veux plus, j’y suis résignée, ça me tue.
Et j’ai peur de ça. De le retrouver chez mes sœurs et adelphes si je sors tout à l’heure. J’ai peur de toute cette rage, tellement légitime, tellement mienne, tellement douloureuse. J’ai peur de ressentir tous les coups, les crachats, les insultes inscrits dans notre corps collectif. J’ai peur d’érailler ma voix, de la perdre, encore un fois, alors que ça ne changera rien à ma peine.
Par contre, je comprends bien l’enjeu d’occuper l’espace. Que je pourrai rajouter mon corps et ma voix au cortège, rendre la masse plus grande et plus bruyante, et qu’on montrera qu’on est bien là, qu’on existe, qu’ils ne peuvent pas nier notre présence.
Mais mon activisme se fait autrement. En élavant la voix dans le silence, en prenant la place aux tables auxquelles on ne m’attend pas. Je combats en faisant la sieste au bureau, en écrivant pour faire pleurer, en chantant, assise bien au milieu de scènes, sachant qu’on a essayé de me faire taire, de m’écraser, de faire comme si je n’existais pas.
Est-ce qu’aujourd’hui j’ai envie de revendiquer mon droit plutôt à la douceur, de protester en prenant ma place au bord du lac, en acceptant mes peurs et fragilités en sirotant un verre bien mérité ? De faire fi des attentes du système sur moi ?
Ou ais-je un devoir de rejoindre la foule, de rendre le privé politique ? Est-ce qu’au final manifester fera bien bouger les choses au bout du compte ? Ne sera-ce pas l’occasion d’exorciser mes peurs, entourée de celle.x.s qui comprennent ?
Ce que j’aimerais savoir, en vrai, c’est comment rester courageuse, comment ne pas baisser les bras face au monstre qu’est le patriarcat, cette ombre qui s’infiltre partout, dont on ne peut pas se défaire, jusque dans notre propre jugement de nous-même. Est-ce qu’une liberté existe vraiment, là maintenant, est-ce que j’y goûterai un jour ? Comment aider à l’instaurer ?
Pour aujourd’hui, on verra bien. Quoi qu’il en soit, j’assumerai d’autant plus de me vêtir de mauves et de violets, de sortir en Lila, à l’intersection de toutes mes identités.